Moi, le grain de sable, je vais vous raconter mon histoire. Ma Mère est une montagne. Haute et magnifique, ses pieds plongent dans le cœur de la Terre et sa tête côtoie les étoiles. Mon Père fût une tempête. Ephémère et violente, il m’arracha du sein de ma Mère avec quelques milliards de mes Frères et Sœurs. Nous roulâmes cachés dans une pierre pour tromper la fureur de mon Père et nous fûmes confiés à une rivière.
Ce fût elle qui m’éleva. Avec elle je voyageais beaucoup, et je vis au fur et à mesure mes Frères et mes Sœurs aller vivre leur vie. Puis un jour, il ne resta plus que moi de la pierre de mon enfance. Alors que je me prélassais au soleil, je fus engagé pour une étrange mission : " révéler aux Hommes le secret du Temps ".
Tout un programme, et croyez bien que je n’avais aucune idée de ce que c’était le Temps. Une invention des Hommes paraît-il.
Me voilà donc embarqué pour un nouveau voyage. Nous fûmes appelés les voyageurs éternels. Je fus particulièrement content d’obtenir ce titre, moi qui avais passé ma vie à rouler au fond des rivières, voler sous l’effet des crises paternelles, et qui avait fait le tour du monde déjà plus d’une fois. Je me retrouvai avec tous les voyageurs éternels dans une grande pièce où l’on me dit d’attendre mon tour. Je n’avais jamais vu une file d’attente aussi longue, et d’après ce qu’il se disait, nous devions tous passer l’un après l’autre.
Sûrement pour l’enregistrement des bagages.
Combien de temps je passai dans la file ? Je n’en sais rien, car comme je vous l’ai déjà dit, moi le Temps, je ne connaissais pas. Enfin, vint mon tour. Je rentrai dans un couloir extrêmement étroit. Je traversai, je ne vis rien ni personne, je tombai, et le manège recommença. Une fois, deux fois, et croyez moi ou non, je commençai à trouver le temps long. Quand est-ce que nous allions enfin partir faire ce voyage exceptionnel qu’on nous avait fait miroiter ?
Et puis, mes Frères ne semblaient pas ce rendre compte de la mascarade. A chaque passage, c’est comme s’ils oubliaient toute leur Histoire et qu’ils recommençaient tous depuis le début. A chaque cycle, il croyait tous repartir faire ce voyage merveilleux. Moi, je goûtais l’amertume de l’Eternité. Ma seule obsession devint de sortir de ces cycles éternels. J’avais compris que ce temps qui régit toutes les actions des Hommes, et pour lequel j’avais sacrifié ma Nature n’était qu’une illusion. Je compris cela dans mon petit couloir, où seul, j’entrevis les plans d’une sagesse Eternelle. Pas cette éternité artificielle fondée sur des cycles d’oubli, mais l’Eternité qui s’étend là où les cycles se croisent.
Alors moi, grain de sable parmi l’infini, né de la Terre et du Vent, élevé par les Eaux, en ce moment juste et parfait où les mondes se créent, où les réalités s’emmêlent, je vis mon Feu intérieur s’embraser, et je devins Lumière.
Publié par Julien
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