Il y a 72 ans, en pleine terreur nazie, paraissait aux Editions Niclaus,
libraire-éditeur, 38, rue saint-Jacques, à Paris, un livre étrange, dont le
titre ne l’était pas moins.
ADAM DIEU ROUGE
avec ce sous-titre explicatif :
L’ésotérisme judéo-chrétien. La gnose et les Ophites. Lucifériens et Rose-Croix.
Sur le plan littéraire, la publication d’Adam, dieu
rouge marque le début de l’œuvre gnostique de Robert Ambelain. Le livre
s’ouvre sur trois citations, dont celle-ci, extraite de la première Méditation
de Descartes : " Il faut remettre toutes choses en doute une fois au
moins en sa vie ". Or, les deux autres maximes sont tirées,
respectivement, du Sepher ha-Zohar et de l’Evangile selon Marc.
Toute l’œuvre littéraire, toute la quête personnelle, occultiste et
initiatique, de Robert Ambelain, tiennent dans ces trois citations, où d’aucuns
ont cru voir des contradictions, alors qu’elles constituent en réalité les
trois angles d’attaque de la réflexion permanente d’un initié rebelle et d’un
historien contestataire, tel qu’il le revendiquait lui-même, qui fut avant tout
un homme de désir épris de justice.
Depuis les sept décennies qui nous séparent de la
publication d’Adam, dieu rouge, notre connaissance du gnosticisme et,
plus généralement, du judaïsme polymorphe, avant et après la naissance du
christianisme, a considérablement progressé. Dans bien des domaines, elle a
même été totalement bouleversée par les découvertes des manuscrits de Nag
Hammadi, en 1945, et de Qumrân, entre 1947 et 1956. Dans ce livre qu’on
s’honore aujourd’hui de sauver de l’oubli, Robert Ambelain nous en apprend sans
doute moins sur la gnose, les Ophites, les Lucifériens et les Rose-Croix que
sur sa propre pensée nourrie d’intuitions fulgurantes. N’est-ce pas là
l’essentiel ?
La gnose de Robert Ambelain était radicalement
hérétique devant la Grande Eglise ; hérétique en 1941, comme en 1967, et
au-delà. Car les gnostiques des premiers siècles sont les maîtres de Robert
Ambelain, comme ils l’avaient été de Doinel et de Bricaud. Mais il enrôle aussi
les Pères de l’Eglise, à commencer par Origène, parfois dans une interprétation
très personnelle. Et aussi les Cathares, d’autant plus respectables à ses yeux
qu’ils ont été martyrisés. Et aussi les templiers dont il croit percer et
révéler le lourd secret qui serait la raison de leur anéantissement par le même
pouvoir romain.
Occultiste et gnostique à ses
débuts, occultiste et gnostique à sa façon jusqu’à son dernier souffle, en
dépit de maintes rectifications, Robert Ambelain fut l’homme d’une expérience
spirituelle permanente, et d’une expérience qui ne se départit jamais de la prière.
Croyant en Dieu, en sa perfection infinie, aux mondes intermédiaires entre
Dieu, l’homme et l’Univers, défenseur du vrai Lucifer, le Robert Ambelain des
dernières années, au fond, n’était pas différent du jeune occultiste qui avait
publié Adam, dieu rouge, dans les années noires de l’Occupation. Mais la
gnose de Robert Ambelain est une gnose secrète, comme était secrète son Eglise Gnostique, y compris parfois pour lui-même, y compris malgré lui, mais toujours
dans la grâce agissante dont il a bénéficié, j’en suis convaincu, à titre
personnel, et dont il s’est trouvé si souvent porteur et mainteneur, tel en cet
Adam, dieu rouge.
Extrait de la préface de Serge Caillet aux Editions Signatura.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire