jeudi 14 février 2008

Deir el Medineh, Confrérie Initiatique



Mon nom est Pashed, recruté dans les chantiers royaux, j’ai eu l’immense privilège de devenir maître carrier dans la place de vérité et l’honneur d’y construire ma demeure d’éternité.
Nichée au cœur de la colline d’ El Gournah, elle fut mon univers jusqu’à mon retour dans l’amenti.
Tailleurs de pierre, maçons, plâtriers, sculpteurs, graveurs, dessinateurs, peintres ,tous nous vécurent là ensemble avec nos familles, placés sous l’autorité du vizir de Thèbes-ouest.
Le village possédait sa règle et son tribunal qui rendait des jugements souverains. Un scribe royal tenait un journal quotidien racontant les bonheurs et les malheurs de la communauté : absences, maladies, élévations dans la hiérarchie… Ce document et beaucoup d’autres témoignages comme les modestes ostraca (éclats de calcaire) permettent de retracer l’histoire de Deir el Medineh qui pendant 5 siècles sera liée à celle des tombes royales.
A son apogée, le village comprenait environ 70 maisons bâties à l’intérieur de l’enclos de et une cinquantaine en dehors où vécurent en nombre, des travailleurs variant entre 60 et 120, sans compter leurs épouses et leurs enfants. Petite communauté, par conséquent, soudée et cohérente, où n’étaient admis que des spécialistes initiés aux mystères de leur art, ne vivant que pour perfectionner cet art et à travers la règle.
Les compagnons de cette véritable confrérie initiatique avaient tous appris leur métier dans les écoles de Mystères du dieu Ptah à Memphis. Notre confrérie dont la raison consistait à construire des demeures d’éternité, fut fidèle à sa règle presque jusqu’à ses derniers jours. Le nom égyptien de Deir el Medineh est Set Maât, le lieu où se pratique Maât, la Règle qui régit tous les univers. Maât est la plus haute expression de la spiritualité égyptienne ; en vivant de Maât et en la faisant vivre, Pharaon permet à l’Egypte d’être en contact avec le divin et de prospérer. Il n’est donc pas indifférent que le village des artisans soit placé sous la protection de cette règle que chacun devait appliquer dans son travail, car il ne s’agit pas d’une règle que les hommes peuvent établir à leur grés, mais de la divine règle juste rappel de notre accomplissement du devoir, elle et la pour nous libérer du matériel, pour que notre esprit libre puisse s’envoler et spiritualiser la matière.
C’est Thotmès 1er qui fonda la confrérie et inaugura le site. Une muraille entourait le village qui formait une entité protégée du monde profane et surveillée par des gardes. N’y pénétraient que les membres de la confrérie et leur proche famille.
Sous Ramsès III, les premiers signes de la désagrégation sociale apparaissent ; la décadence commença réellement sous Ramsès VI. Au début de la XXIe dynastie la communauté fut dispersée. l'Egypte perdait la règle et sa spiritualité l’Égypte se mourrait à l’instar du village. La plupart des adeptes furent accueillis au temple de Medinet Habou.
Les réunions de la confrérie se tenaient dans des oratoires au nord du site ou dans le temple.Nous nous installions sur les banquettes en pierre, le long des murs. Là se transmettaient les secrets des métiers, là étaient initiés ceux que la communauté jugeait aptes à œuvrer dans la Vallée.
Vivre éternellement à l’endroit où nous avons vécu et travaillé : tel fut le destin des hommes et des femmes de Deir el Medineh. Les tombes étaient signalées par la présence d’une petite pyramide qui rappelait les monuments de l’Ancien Empire. A l’aide de ce symbole, la communauté se rattachait aux origines de la civilisation égyptienne et à l’enseignement des sages d’Héliopolis.

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